"La gare de Plounevez-Armor"

- La petite histoire des lieux-dits et gares du réseau fixe HO

LES SOUS PIRES (le pont)
Le pont dit «des sous pire» porte ce nom depuis le XIVème siècle. Son origine remonte à la saga d'une bande de brigands opérant dans les environs de Gennevilliers entre 1335 et 1337. Son chef, Pierre Groses (dit «la massue»), aventurier sans scrupule attaché à la solde du comte d'Artois s'était entouré de quelques compagnons peu recommandables : Alex Ravojol (dit «la poigne»), Dominique Birouleau (dit «le grand mou»), Christian Morand, un ancien membre du gué de Paris et Jack Grillet, l'idéologue du groupe. Cette compagnie opérait près à la sortie des bois situés de part et d'autre de la route entre le lieudit Asnières et le village de Gennevilliers. Ils détroussaient les voyageurs aux cris de «des sous ... pire!» sous entendu: «si tu ne me donne pas ton or, je te tue». La bande mis à sac plusieurs fois la malle-poste royale durant l'été 1335 et à l'automne 1336. Excédé par ces actions, le bailli de Pontoise (sous l'autorité de laquelle relevait le village) organisa un guet-apens avec l'aide des habitants du village ainsi qu'une escouade de gardes de la prévôté de Paris, le 7 mai 1337. Les malfaiteurs sont arrêtés et mis dans les mains de l'Inquisition. Soumis à la Question, ils seront condamnés à mort le 24 septembre et pendus haut et court au gibet de Montfaucon le 9 décembre de la même année.

CLAIR DE LUNE (le silo et la courbe)
Le site porte ce nom curieux depuis 1806. Ludwig van Beethoven avait acheté une maison dans ce lieu retiré et peu habité. C'est là qu'il compose sa célèbre sonate dite «Clair de Lune» au mois de mai 1806. Excédés par la sempiternelle ritournelle jouée chaque jour de l'aube au crépuscule, les voisins abandonnent le lieu rapidement. C'est ce qui explique l'aspect désertique et triste de ce petit vallon. La ville récupère les terrains et les vends aux Grands Moulins de Paris pendant les Journées de Juin (1848). De nos jours, la maison du Maître - détruite en 1850 - est remplacée par un silo à grains.

LA MOUMOUTE (la courbe)
Cette colline, couverte d'une espèce d'algue tentaculaire jusqu'à la fin du XXème siècle, porte ce nom en souvenir de cette plante rampante arrachée par une association de sauvegarde des lieux, très attachée à l'équilibre des espèces tapissant le sol : les R.M.B. (Requins de Ma Bande).

Selon certaines sources contradictoires et contrairement à une idée répandue, la moumoutte n'aurait fait qu'une courte apparition à la toute fin du XXème siècle sous l'influence du Duc alchimiste Michel Rabbier. Celui-ci en aurait découvert l'existence lors d'une expérience visant à transformer le maillechort en or. Le ratage mémorable de cet essai de second ordre déclencha une explosion qui modifia de façon significative la topologie des lieux avoisinants. Une partie du relief entourant le portail du tunnel fut en effet ravagée et la moumoutte apparut en contrebas avant d'être rapidement éradiquée.
Du fait de la courte durée de cette présence botanique sauvage, les instances scientifiques et cartésiennes ne purent jamais analyser le phénomène complétement. Néanmoins, sans pouvoir en apporter la preuve irréfutable, tout porte à croire que l'apparition de l'espèce soit liée à cette transformation géologique soudaine.

GRANDPLAINE (le dépôt)
Ce site, ancien terrain d'épandage des eaux usées de Paris du XIIIème au XVIIIème siècle, doit son nom à sa surface qui, depuis Gennevilliers, s'étend jusqu'au confins de l'Oise et de la Seine, à Conflans-Sainte-Honorine.

LE TROU DU DIABLE (la courbe)
Cet affaissement géologique survenu au Mésozoïque a longtemps été un lac d'eau douce issue des remontées de la nappe phréatique souterraine.
L'évaporation du lac, intervenue il y a quatre millions d'années, sculpte lentement les rives, tout en déposant sur le fond des couches de sédiments noirâtres.
Sur les pentes - assez douces - de l'affaissement recouvertes d'une forêt de feuillus dense, les villageois installés - dès le IXème siècle - n'osaient pas s'aventurer vers le fond obscur qu'ils estimaient habité par le Diable ; d'où le nom du site.
Après abattage et essouchement de la forêt, la Compagnie du P.O. creuse facilement la roche pour construire la ligne secondaire de Clermont-Ferrand à Gannat en 1883.

LE MORT HOMME (la tranchée)
C'est sur les hauteurs et dans la tranchée, que du 9 au 17 septembre 1870, le 4ème Bataillon de Tirailleurs et le 15ème Régiment de Chasseurs défendirent aux Uhlans l'accès des villages de Colombes et Bois-Colombes en face de la gare de Gennevilliers. Placés sous l'énergique commandement du colonel-comte Pierre Sesgor, près de 80 hommes périrent dans cette héroïque résistance qui n'évita pas l'encerclement de Paris par les Prussiens.

LA RAMPE DES SAUVAGES (la bifurcation)
La petite ligne se dirigeant vers Plounevez-Armor musarde dans la campagne et se raccorde au sommet de la rampe au lieudit «les Sauvages» du nom d'une petite communauté de moines itinérants depuis le phénomène du Quiétisme et jusqu'à la fin de la période Janséniste. Ils vivaient un peu à l'écart des villageois, se contentant de les convertir ou de les assister dans les moments de douleurs. La Terreur emporte cette communauté en 1793.

PLOUNEVEZ-ARMOR (la gare)
Cette petite bourgade du Trégor d'environ 1 500 âmes, adossée à la colline du Méné Bré culminant à 340 mètres, inaugure les installations ferroviaires en grande pompe, le 13 novembre 1881. En effet, le cortège des invités, après être descendu du train, se groupe autour de l'autel dressé par la Compagnie de l'Ouest sur lequel viennent de prendre place sa Grandeur Monseigneur David, évêque de Saint-Brieuc, ses vicaires et M. le curé de Lannion. La cérémonie religieuse a commencé lorsque les deux locomotives, Jeanne d'Arc et Pénélope, dociles à la pensée et à la main qui les dirigent, viennent majestueusement s'arrêter auprès de l'autel. Prières d'usage - musique - bénédiction ; la foule se déplace émue mais pour voir de plus près les deux convois flambant neufs composés chacun de trois wagons.
Auparavant, le projet de loi avait été présenté à l'Assemblée nationale par M. Caillaux, ministre des Travaux publics, le 3 août 1875. En fin de compte, les 16 km de cet embranchement coûteront 5 000 000 Francs.

GENNEVILLIERS (l'ancienne gare)
La gare de Gennevilliers, avec son magnifique bâtiment-voyageurs, construit en pierre meulière - surnommé le "petit château" -, sort de terre lors de la mise en service par la Compagnie du Nord, le 1er juillet 1908, du raccordement entre Saint- Ouen-les-Docks et Ermont. C'est l'aboutissement d'un vieux projet conçu pour le nord de Paris : "Que la voie navigable soit mise en contact avec le chemin de fer"! Il faut dire que, depuis quatre siècles, on souhaitait tellement que le port fluvial de Gennevilliers devienne un port de mer... Tout avait commencé par le raccordement à voie unique des Epinettes qui reliait la Petite Ceinture aux Docks de St. Ouen, dès 1862. En 1872, la Cie du Nord obtient l'autorisation de prolonger cet embryon de ligne, d'abord vers La Plaine-marchandises et le dépôt de machines de La Plaine, puis vers Pantin. Mais de l'autre côté de la Seine, la presqu'île de Gennevilliers, jusqu'alors maraîchère, suscite les convoitises de l'industrie. D'un point de vue stratégique, le raccordement avec la Grande Ceinture est souhaité. Le sud de la vallée de Montmorency, verdoyant, s'urbanise fortement. Un prolongement de la ligne des Docks vers Ermont est approuvé en 1901. La ligne construite à double voie, outre l'absence de passage à niveau, est posée sur un talus qui permettra d'évacuer les enfants de Gennevilliers lors des grandes crues de 1910 !

GENNEVILLIERS (la gare RER)
Changement d'époque, changement de lieu ! Certes, par rapport au "château" de la Compagnie du Nord, la nouvelle gare RER de Gennevilliers ne paie pas de mine, mais elle existe, on la voit et on s'en sert ! Elle se situe à 600 m au sud de l'ancienne, sur des terrains d'une ancienne carrière de sable, non loin du village, l'ex-centre-ville. L 'autoroute A15, devenue boulevard urbain, passe en tranchée couverte entre les deux comme pour ne pas en gêner la vision. Ses quais, tout neufs, couverts d'abris parapluie, se détachent dans le ciel, juchés sur la totalité du pont-rail élargi à 39 mètres. Impossible de ne pas voir l'ensemble de chaque côté de la RN 186 -une route nationale elle aussi élargie, car la liaison tramway Bobigny-Nanterre devait passer par là, en site propre. Son itinéraire s'est arrêté aujourd'hui à St. Denis, à mi-parcours. Par défaut, le site accueille néanmoins les autobus. Changement de département , parfois changement d'objectifs en matière de transport... pas sûr que l'usager y trouve son compte! Prévue depuis 1965, la réalisation, entre 1982 et 1988, de la ligne la ligne VMI (Vallée de Montmorency/Invalides), cette branche nord du RER C, aura provoqué ce remodelage. Exit la petite ligne du réseau du Nord Ermont/Saint-Ouen-les-Docks. Elle avait 50 ans.